Textes de Véronique Pestel
Babels - c'est l'image de chacun devant sa tour
sa tour d'écrans, sa tour d'écrous
sa tour de lui-même - traversé d'informations
qui in-forment et déforment le réel
en le réduisant au format de l'écran
au format de l'écran de sa tour d'argent
et de manque
de temps
Tout y est sur-dit - c'est assourdissant
On redoute que la parole autre y laisse de chagrin sa peau douce
Mais non. Elle résiste, de nature, dans sa fleur
elle continue de s'appeler
poésie et d'appeler l'amour, l'esprit, le courage ou la beauté…
" La musique ? disait Mozart, ce sont deux notes qui s'aiment. "
Le site de Véronique Pestel

Née à Fontenay-aux-Roses en 1960, elle passe son enfance à l'Haÿ-lesRoses, qu'elle se remémorera dans une chanson - toujours chaudement applaudie - parue sur son premier CD (La maison de l'Haÿ). Dans les années 80, Véronique Pestel) vit à Lyon où elle est pianiste de bar, prof de piano et aussi aide-ménagère (expérience qu'elle relatera sur son tout premier 45 tours autoproduit)... Découverte en 1983 en première partie de Nicole Croisille à la Mutualité, et surtout au Printemps de Bourges 1987, Véronique multiplie les scènes et les petits lieux en France et à l'étranger (Suisse, Allemagne...), se produit dans les festivals de chanson... Enregistré en public à Villeurbanne, en 1992, son premier CD donne la part belle aux chansons autobiographiques dont certaines atteignent la force des complaintes intemporelles (Le jardin fut anglais, Deux fois un). En 1993, elle s'installe en Haute-Savoie, ce qui ne l'empêche pas de se produire à l'Olympia, en mai 1995, ou au théâtre de Dix Heures en novembre 1997. Véronique Pestel a récemment publié son troisième CD (L'appeau des mots). Exigeante et généreuse, sa démarche pourrait se résumer à cette phrase tirée d'une de ses chansons (La Mamie m'a dit) : " Tout ce qu'on donne fleurit / Tout ce qu'on garde pourrit.. ".

Tu es quelqu'un de connu dans le milieu, disons, " parallèle " de la chanson. Est-ce que tu t'y sens bien, et est-ce que l'on vit de son métier quand on n'est pratiquement pas " médiatisé "?
Véronique Pestel.- " On ", je ne sais pas, mais moi, j'en vis depuis pas mal d'années et je m'y sens très bien. Je me sens à une place que j'aime beaucoup, je crois que chacun, sur cette terre a besoin d'en avoir une, et j'avoue que celle que j'ai l'impression d'occuper dans la chanson me rend très heureuse. Depuis le départ, je me sentais assez littéraire, dans un univers plutôt confidentiel et intimiste, et je pense que c'est ce chemin qui est le mien. En fait, je n'ai pas l'impression d'être très connue...
Selon toi, ces catégories que l'on fait -showbiz, marginal, parallèle est-ce qu'elles sont réelles ou artificielles ?
Déjà, il y a des réalités de médiatisation : certains chantent pour des millions de gens et d'autres pour quelques milliers seulement. On peut pas nier cela. Je pense que les moyens actuels de médiatisation changent beaucoup les paramètres de la création. Au début du siècle, par exemple, quand les gens chantaient ou écrivaient, ils le faisaient pour quelques centaines de personnes. La plupart des recueils de poésie étaient édités à compte d'auteur et cela semblait tout à fait normal. Aujourd'hui, la surmédiatisation fait que les artistes ont l'impression de devoir s'adresser à des millions de gens, et j'avoue que moi, ça ne me touche pas. Je ne travaille pas du tout dans ce sens-là. Heureusement qu'il existe les associations pour que les chanteurs comme moi vivent. C'est pratiquement elles qui nous font tourner tout le temps. À la limite, j'aimerais être plus connue pour eux et par eux.Quand une petite association me fait dans un village, chanter devant quinze personnes ne me gêne pas, mais me gêne pour les organisateurs, parce que je sais qu'ils vont se casser la figure s'ils ne font venir que quinze personnes à longueur d'année! Quand je dis quinze, c'est, en réalité, souvent quarante ou soixante personnes, mais c'est très difficile pour ces associa tions de tenir.
On n'écrit pas les mêmes choses selon que l'on s'adresse à des centaines de personnes ou à des millions ?
Si, on écrit les mêmes choses, mais il ne " faut " pas y penser quand on écrit. J'ai entendu Brassens dire qu'il n'écrivait que pour une seule personne... A mon avis, on écrit toujours pour très peu de gens. Je pense que lorsqu'il est face à sa page blanche, l'artiste est, de toute façon, seul. Après, ce qui se met en place autour de lui (avoir la chance de rencontrer au bon moment les bonnes personnes, d'être dans un réseau, etc.), c'est quelque chose d'assez indépendant de la création.
Est-ce que tu souhaiterais être plus médiatisée ? En faisant des concessions, s'il le fallait?
Faire des concessions au niveau de la création, ça, j'en suis vraiment incapable : je ne peux faire que ce que je fais, j'essaie d'être toujours en évolution, en recherche, je ne sais pas où mon chemin m'amène, mais ce qui est sûr, c'est que c'est un vrai chemin. Et c'est pour ça que je suis heureuse parce que je ne me sens pas du tout dispersée par les affaires de mode, cela ne me concerne absolument pas.
Tu trouves donc que la télévision n'offre plus de place à des artistes comme toi, à ce climat que tu recherches...
Si j'y étais invitée, je me sentirais plus proche de la méthode Denise Glaser que des émissions qui ressemblent à des jeux... Il faudrait qu'il y ait à la télévision des individus forts, qui arrivent à défendre et à imposer des concepts respectant le genre d'artiste que je suis. C'est très rare, mais avec le câble et avec des chaînes comme Arte, il y a tout à fait des possibilités. François-Régis Barbry travaillait sur un tel projet...
Des modèles dans la chanson, tu en as eu, tu en as ?
Mes étoiles actuelles, ce sont Michèle Bernard, Juliette, Allain Leprest pour la France, et aussi Giovanna Marini, Angélique lonatos, Lluis Llach... Je me sens très bien dans l'univers de la chanson actuelle. Quant à mes modèles passés, ce sont Barbara, Brassens, Ferré, Nougaro... J'adore Léo Ferré, mais j'aime beaucoup la façon dont Angélique lonatos, Giovanna Marini ou Michèle Bernard parlent du monde d'aujourd'hui: avec leurs mots à elles et pas ceux d'il y a quarante ans. Avec leur engagement féminin, aussi, avec une énergie féminine très spécifique qui reflète ce qui se passe dans les associations, dans les ONG à travers le monde. C'est plus de l'ordre de l'énergie que de la prise du ouvoir... Et pour moi, c'est quelque chose d'assez particulier à la nature féminine. Une espèce d'ouverture d'énergie très forte, de doute de soi, aussi, qui est souvent très fécond.

Quelle est la réaction des gens qui ne te connaissent pas et qui te découvrent sur scène ? C'est le classique "Pourquoi on ne vous voit pas à la télé"?
Les grands médias ne rendent pas compte de ce travail et je pense qu'il faut que les gens arrêtent de compter sur la télévision pour les tenir au courant de la chanson... C'est une supercherie. Les amateurs de poésie ou de peinture trouvent tout à fait normal de ne pas voir les artistes qu'ils aiment à la télévision. Ceux qui s'intéressent au théâtre savent que c'est en allant au théâtre qu'on découvre les grands acteurs d'aujourd'hui, pas en lisant Télé 7 jours. Encore qu'il y a parfois des miracles... Je pense que les gens ont une idée très naïve de l'information. Il faut qu'ils aillent dans les salles, qu'ils lisent les petites revues, qu'ils écoutent les petites radios... Les petites choses. Toutes ces petites choses, c'est l'univers associatif d'aujourd'hui qui le permet.
Est-ce que ces " petites choses " pourront un jour devenir plus grandes?
Je n'en sais rien, je ne sais même pas si c'est souhaitable... Il faut que les gens comprennent que tout ne peut pas être véhiculé par les grandes autoroutes de la communication et qu'ils doivent faire des démarches personnelles pour aller découvrir les poètes et les chanteurs que j'appelle " confidentiels ".
En fonction de la réaction du public, éventuellement ?
Surtout en fonction des émotions que j'ai sur scène. Souvent, lorsque j'écris, je suis dans un état d'émotion très fort. Il m'arrive de pleurer quand je commence à chanter la chanson à la maison, parce que je suis émue. A partir de cette émotion - pour moi, il est hors de question de pleurer sur scène-, je vais faire un travail de comédien, c'est-à-dire arriver à recréer toujours la même émotion par l'intelligence du texte, en sachant pourquoi j'ai pleuré à la maison, je vais savoir comment être toujours juste avec cette chanson sur scène, même si j'ai un problème de son, par exemple. Sur scène on n'est pas toujours en forme, et on ne peut pas se laisser déborder par Ia fatigue ou un problème technique. Comment on y remédie? Par le métier?
Par le travail de comédien, c'est-à-dire d'avoir beaucoup réfléchi à ce qui fait la particularité de cette chanson. Quelle est la nature de cette chanson et quelle est la nature de mon émotion pour savoir quel mot est importan, à quel moment il ne faut pas lâcher et comment pouvoir revivre cette émotion à chaque soir sur scène... C'est tout ce travail qui va " achever " la chanson. Parce que tel mot, très joli sur le papier, ne va pas restituer l'émotion surscène, et il vaut mieuxen choisirr un autre, peut être moins joli, mais lus vrai.
Est-ce que l'image de la femme a changé à travers la chanson depuis vingt ou trente ans ?
Oui. Le fait que des femmes comme Anne Sylvestre ou Barbara aient écrit leurs textes a été déterminant. Une femme qui chante des chansons d'hommes, ce n'est pas la même chose qu'une femme qui chante ses chansons à elle. A mon avis, c'est extrêmement différent.
Même dans le cas d'interprètes comme Juliette Gréco, par exemple, qui choisissent bien leurs textes ?
Gréco, Fréhel ou Piaf ont de telles personnalités qu'elles transcendent totalement le verbe. Elles arrivent à faire passer complètement leur personnalité de femme ; même en chantant des chansons d'hommes. Ce n'est pas donné à tout le monde.
Comment pourrais-tu définir l'écriture féminine ?
Elle est trop variée pour qu'on puisse la définir. Moi, je demande juste qu'on la laisse passer...
Est-ce que tu penses que le rap est une révolte qui est récupérée à l'heure actuelle ?
C'est l'expression d'une partie de la population, il faut la laisser passer aussi.Je suis pour la multiplicité et la vraie variété. Maintenant, lorsque j'entends dire que le rap est la chanson à texte d'aujourd'hui, je ne suis pas du tout d'accord. C'est une partie de la chanson à texte d'aujourd'hui. Le rap n'a pas gommé la chanson à texte, il y a une façon beaucoup plus littéraire, douce et mélodique dans la chanson à texte, dans laquelle je me reconnais beaucoup mieux que dans la parole du rap.
Il y a une démagogie de la part de beaucoup de gens à faire du rap la seule chanson possible à l'heure actuelle...
Tout à fait. On schématise tout, on veut tout simplifier, alors que l'art ne peut pas être simplifié. À la limite, l'histoire retiendra un, deux ou trois artistes dans un siècle, mais ça, c'est le travail du temps. Bach, par exemple, a été redécouvert par Mendelsohn. On n'avait pas besoin d'écouter Bach au début du XIXème siècle, on en a eu besoin à la fin. Il y a des moments où on n'a pas besoin de certaines formes artistiques... Quand elles se créent dans le présent, les formes artistiques sont d'une richesse invraisemblable, et la médiatisation veut artificiellement faire sur le moment ce que seul le temps réussit à faire sur la durée..
Est-ce que vivre en province ne t'éloigne pas du métier? Tu n'es pas la seule : Juliette, Michèle Bernard, GiIbert Laffaille,Louis Capart...
On habite en province, mais on vient souvent sur Paris ! Lorsqu'on aime sortir le soir, il vaut mieux vivre à Paris. Mais pour quelqu'un comme moi, plutôt solitaire et qui a besoin de nature et d'un rythme de vie assez campagnard, je pense que si je vivais à Paris, je ne sortirais pas davantage En plus, je n'aurais pas la qualité de vie que j'ai à la campagne. J'aime beaucoup cette alternance entre le caIme de la vie un peu recluse et le fait de se déplacer pour chanter...
Quelle a été ta réaction au moment de chanter à l'Olympia. Quel effet cela fait de chanter devant deux mille personnes ?
Ce qui a été le plus merveilleux pour moi, c'est que ces deux mille personnes étaient venues de partout en France. Des gens qui me suivaient depuis dix ans ont pris leur voiture et ont fait parfois des centaines de kilomètres pour être près de moi ce soir là, dans la mesure où ils considéraient l'Olympia comme une consécration, et ils voulaient en être. Voilà ce qui m'a le plus émue. Pour moi, c'est le public qui a créé la magie ce soir là.
C'est toujours Jean-Claude Barens d'Euroscène qui s'occupe de toi ? Tu te sens bien dans cette structure ?
Merveilleusement bien! Encore une fois, c'est une petite structure avec ses limites et aussi sa liberté. Les années 90 ont permis aux petites structures de redevenir très actives et créatives. Elles ont des convictions fortes et indépendantes des recettes qu'on veut appliquer au plus grand nombre. Pour moi, c'est un travail qui n'est pas anecdotique mais, au contraire, plein d'avenir.
Les poètes que tu mets en musique ne sont pas très connus...
Oui, Liliane Wouters, Andrée Sodenkamp ou Pernette du Guillet sont des poètes que j'ai découvertes dans des anthologies. Mais je ne fais pas exprès de choisir des gens qui ne sont pas très connus! Quand je lis un poème qui me plait, je vais tout de suite aller au piano ou à la guitare, je vais le chanter. C'est peut-être un archaïsme, mais les troubadours faisaient ça, la poésie était toujours chantée. En fait, je me sens très proche des trouvères et des troubadours du Xllème siècle, j'ai vraiment l'impression que je viens de là. Et là aussi, on retrouve la même démarche, petit public, petits moyens, confidentialité et, pourtant, grand mouvement historique.
Propos recueillis par Raoul Bellaïche

Qu'est-ce qui t'a poussée à abandonner des études de philosophie pour la chanson ?
La conscience que mon esprit n'est pas fait pour la durée longue. La réflexion philosophique s'inscrit sur des ages et des pages, alors que la chanson,c'est trois minutes. Stéphane Hirschi, un universitaire de Valenciennes qui a créé une chaire de cantologie, appelle la chanson l'art du temps compté. Quelqu'un qui écrit des chansons sait qu'il va écrire sur trois ou quatre minutes à peu près. En France, en tout cas, parce que dans la chanson arabe, avec Fayrouz ou Oum Kalhsoum, une chanson peut durer plusieurs dizaines de minutes! C'est une autre façon de faire les choses. Je pense que la chanson est en rapport direct avec la notion du temps et avec la notion de la mort... la chanson meurt trèsvite et puis, il y a une autre chanson derrière, qui renaît immédiatement. Et entre les deux, il y a les applaudissements. Je peux libérer beaucoup d'énergie sur un temps court et après, je dois faire une pause avant de repartir Ça, c'est le souffle qui convient à la chanson et qui ne convient pas à la philosophie, à l'enseignement et à plein d'autres choses. J'aurais du mal à écrire un roman, par exemple. Le rapport du temps et de la chanson est très intéressant.Presque toutes les chansons brassent le même thème : le temps, l'amour, la mort.
Tes chansons, ce sont d'abord des poèmes, ou est-ce que tu les conçois directement comme des chansons ?
Je les conçois directement en chansons, mais toujours très littérairement. J'écris de façon très littéraire, je ne cherche pas à ce que mes chansons soient comprises à la première écoute. C'est mon esprit qui est fait comme ça ! Quand il m'arrive d'écrire des chansons de " première écoute ", je suis ravie, ça repose tout le monde, moi et le public. Ce sont des chansons qui passent tout de suite en spectacle, comme La maison de l'Haÿ, Vanina s'en va, Les couettes de Satan, Berceuse... II y a des chansons qui sont comprises tout de suite, mais ce n'est jamais mon but au départ, qui est d'avoir un point de vue personnel.
Effectivement. On ne peut pas dire que ce que tu fais ressemble à Une telle ou à Untel...
J'espère que ça va l'être de plus en plus. Je pense que le travail d'un artiste est de dire " je " sans s'occuper de rien d'autre. Je suis sûre que c'est en disant " je " qu'on va toucher le " je " de l'autre. Et pas en essayant de simplifier et de ramener au plus grand nombre sa pensée. Au contraire, il faut aller au plus personnel, au plus intime de soi, et c'est un vrai travail, de réflexion et de style. Que ce soit musical ou littéraire, le travail du style est très important pour moi.
Tu mets du temps à les boucler tes chansons?
Je mets beaucoup de temps à réfléchir.Je suis très sensible à l'environement dans lequel je vis, tout me bouleverse, tout m'écorche, tout atteint, tout me révolte. Je passe beaucoup de temps à lire, à écouter,à regarder et j'écris peu. Et quand j'écris je comprends assez vite de quoi je suis en train de parler - je ne cherche jamais à parler de quelque chose. Au bout de quelques phrases, l'assemblage des mots, tel qu'ils viennent me dirige vers des idées. Ensuite, je passe du temps au travail du style et beaucoup, beaucoup de temps à la composition musicale. C'est presque e quic me prend le plus de temps.
Anne Sylvestre disait: " Ce sont les mots qui amènent les idées, et pasl'inverse ".
Tout à fait. Paul Valéry disait que ce sont les deux premières phrases qui amènent le poème. On ne part pas d'une idée. C'est un assemblage de mots et de rythmes qui, ensuite,vont nous diriger vers une idée qu'on a déjà. Il m'est arrivée de ne pas finir une chanson parce que mon idée n'était pas mûre. Quand je mets les chansons sur scène, il y a deux ou trois mots qui ne sont pas fixés. Quand la chanson est finie à la maison, elle n'est pas en fait, tout à fait finie. C'est sur scène qu'elle va se terminer vraiment.
Babels
Bien sûr, il y a du Barbara chez Véronique Pestel - ce n'est pas une qualité artistique, mais une filiation clairement exposée, trop peut-être. Détachement du regard porté sur le monde et les humains, épure de la diction, prédominance du piano, Véronique Pestel incarne un classicisme qu'on a plaisir à retrouver. Cette chanteuse hors normes affairistes renoue ici avec la poésie qu'elle a toujours aimée mettre en musique : Louis Aragon ou Albertine Sarrazin entrent de plain-pied dans l'univers très équilibré, mais jamais conformiste, jamais soumis la chanteuse qui compose des chansons avec l'idée de se faire comprendre, y compris dans l'expression des sphères les plus troubles du coeur féminin. V. Mo.
1CD Mélodie. Distribué par Mélodie

Tout est en chaos dehors, mais elle ne crie pas, elle se réfugie dans les voix du passé pour laisser filer son oeil narquois sur la folie du monde.
"Brassens en jupon on appelait AnneSylvestre, ou "Femme-piano", ainsi que se voyait Barbara, Véronique Pestel traîne plus près des cabarets montmartrois que des plateaux de télévision sa révolte à fleur de peau. Elle suit le sillage de ces dames toutes de noir vétues, elle les chante ausi dans un titre (la Mimi de Saint-Julien) de son dernier album, le quatrième en une petite dizaine d'années.
"Babels, c'est l'image de chacun devant sa tour, sa tourd'écrans, sa tour d'écrous, sa tour de lui-même traversé d'infromations."
A l'heure de la cyberculture, celle qui vit entre lac et montagne époussette de vielles valeurs, le respect des anciens et le goût de la rime claire.
Véronique Pestle avait déjà mis la poésie en musique. Dans Babels, Louis Aragon, Joë Bousquet ou Albertine Sarrazin côtoient le répertoire personnel d'une chanteuse dont l'existence est à moitié faite. De facture traditionnelle (cordes pincées, frappées, caressées) les treize chansons- comptines de Babels récapitulent avec une âpreté tour à tour tendre et cocasse le cycle des quatre saisons.
La beauté de cette voix grave et sensuelle surprend toujours.
Elle ne se pose pas sur les mots, elle les porte. Jusqu'à notre oreille engourdie. Engourdie parce qu'on a perdu l'habitude d'entendre cette alchimie miraculeuse : des textes qui disent, une musique qui parle et cette voix - justement- qui n'a besoin d'aucune poussée hystérique pour se faire aimer.
Ses textes sont des cathédrales.
On aperçoit d'abord la beauté de l'ensemble. Puis on y entre, fasciné, découvrant toujours, à chaque nouvelle écoute, un trésor caché. Et comme l'on meurt du temps qui passe et de ne pas savoir se dire, claquemuré dans nos tours d'ivoire, "Babels", son dernier disque, vient nous rappeler que la parole de l'autre peut - parfois - toucher juste."Dans la plaie de nos silences, les corps partent à l'hôpital. Y'a qu'à nous ouvrir le ventre pour ôter ce qui fait mal. Ce qui n''était pas dit là se dira peut-être ici : on s'écoute on s'entend pas, on part à la pharmacie".
Comme des poupées russes, les phrases cachent des idées qui s'emboitent parfois avec beaucoup d'humour ("Le loup qui doute ") ou le mordant féroce des gens lucides ("Les marchands").
Mais le plus souvent, les chansons de Véronique Pestel sont inclassables.
Elles sont l'urgence. L'urgence à découvrir pour vivre, aimer, rire, penser en bonne complicité. Poétiques, philosophiques, tendres ou rebelles, elles tirent leur puissance d'une vérité qui ne craint pas la force d'une image quelquefois esthétiquement "irrévérencieuse".
Ainsi, quand elle aborde l'euthanasie "La dame était blanche comme un chou pourri; la dame était vieille comme une manie. Je crève, dit-elle, seule, en maladie. Vous la jeune et belle, sortez-moi d'ici". ("Rue de la Roquette ").
Il arrive aussi que Véronique Pestel donne sa parole à d'autres. Sur cet album, on savourera un très beau texte d'Albertine Sarrazin ("Je suis en partance ") "Et si j'en ai marre, plein mon cendrier, j'ajoute une barre au calendrier" - et un autre, poignant, de Joë Bousquet ("Le déshérité") - "Des jours brisés qu'il se rappelle, il n'est pas sûr qu'il ait souffert, tant sa douleur est naturelle, son sourire est mort l'autre hiver".
Superbe, l'album devient magique quand il prend vie dans la voix, les mains et les pieds de la dame. À découvrir absolument puisqu'elle le présente sous peu dans notre région. Christine GEORGET.
Renseignements 04.66.88.31.66.
C.D. "Babels" distribution Mélodie.
Véronique Pestel : l'urgence à découvrir
La télé boude trop de chanteuses
Avec son quatrième album Babels, cette héritière du style rive gauche promène sur le monde moderne un regard tendre et amusé. " Babel, c'est notre tour intérieure, faite d'écrans et de vitres, qui nous empêche de voir les autres en direct " En fait d'écrans, et malgré ses dix ans de tournées incessantes, Véronique reste boudée par la télé. " Si on m'invitait, je crois qu'une partie du public se reconnaîtrait dans mon univers. Mais je ne suis pas prête à me déguiser pour ça. " Ses influences, ses références ? Elle les chante dans Mimi de Saint-Julien, ode à la chanson au féminin. " Anne Sylvestre, Barbara, bien sûr... mais il y en a tant d'autres qu'on oublie ! "
Les poétesses aussi sont à l'honneur après Louise de Vilmorin, elle met en musique un texte d'Albertine Sarrazin. " J'ai découvert à 14 ans ces deux femmes extraordinaires, Louise la bourgeoise et AIbertine la voyoute, réunies par une même grâce de l'écriture. Elles ont vraiment marqué mes premiers écrits. " De Pestel à " pistil ", il n'y a qu'un pas. Chanteuse-fleur, Véronique a trouvé ses racines au coeur de la Savoie. " Mais je serais plutôt un iris, comme genre de fleur. Une grande tige avec toute la force dans la tête. C'est bien moi, ça (Rires) ! "
Une question sur la pop
Aimez-vous des chansons "commerciales", du style Ricky Martin ou Britney Spears ?
" Je ne les connais pas : je n'écoute que France Musique et France Culture. Mais je n'ai pas d'a priori. Un jour, un animateur radio m'a fait écouter une chanson des Rita Mitsouko en pensant que je détesterais. Et j'ai trouvé ça génial."
